En promettant de « débloquer tous les services d’urgence » du lundi 17 avril 2023 jusqu’à fin 2024, Emmanuel Macron s’est fixé un objectif a priori inatteignable à l’heure où les pénuries de personnel soignant ont submergé le système de santé pour répondre à des demandes croissantes.
Brancards dans les couloirs et salles d’attente bondées. Jour et nuit, hiver comme été. La crise était profonde et les symptômes étaient devenus insupportables. « D’ici la fin de l’année prochaine, nous devons désengorger tous les services d’urgence », a ordonné le président de la République.
Il n’y a pas d’engorgement léger dans les hôpitaux : 20,4 millions de passages aux urgences en 2021, contre un peu plus de 10 millions en 1996. C’est le Covid qui a arrêté la croissance imparable. Sauf panacée, le record d’avant-crise (22 millions) sera bientôt battu.
Le chef de l’Etat n’a pas précisé comment inverser la tendance, mais « nous devons obtenir des résultats concrets à court terme ».
C’est difficile à croire pour ceux qui sont initialement intéressés. « L’objectif ne peut être atteint », a déclaré le juge Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France.
Sans une « infusion de personnel soignant » pour augmenter rapidement le nombre de lits d’hôpitaux, a-t-il expliqué, il faudrait « des changements profonds » dans l’organisation qui seraient « difficiles à mettre en œuvre ».
« Avec la démarche actuelle, c’est un vœu pieux », se fait l’écho d’Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence.
En revanche, a-t-elle ajouté, « c’est encore possible, en écoutant les médecins urgentistes », à condition que les « solutions » déjà proposées en 2019 dans le « pacte de refondation des urgences » soient appliquées.
Le plan, annoncé à l’époque, n’a pas suffi à apaiser la colère du personnel soignant dévasté par les conditions de travail après des mois de grèves. De même pour l’augmentation générale du « Ségur de la santé » accordé pendant la pandémie – 10 milliards d’euros par an.
L’entourage de François Braun souligne qu' »un gros travail a été fait ces derniers mois » et rappelle les mesures prises à son arrivée à l’été 2022 (filtrage des urgences par le Samu, augmentation des horaires de nuit) « a fait vivre nos hôpitaux » jusqu’à maintenant.
Le gouvernement mise aussi sur un « service d’accès aux soins », associant les médecins du Samu et libéraux, qui est expérimenté depuis deux ans dans une vingtaine de départements et doit être déployé d’ici la fin de l’année.
Selon le dernier avis du Comité d’alerte sur les dépenses de santé, la situation dans les hôpitaux s’est « nettement dégradée » et le déficit global « atteint environ 1 milliard d’euros en 2022 ».
Pour finir, Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), estime donc la nécessité « d’une action forte pour redonner toute son attractivité à l’hôpital public », saluant le « volontarisme dont fait preuve » le chef de l’Etat tout en plaidant pour « plus de bonne solidarité » avec les cliniques privées et les médecins libéraux.